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laviemédiocre
10 avril 2021

Démocratie, libéralisme et modernisme

   La démocratie moderne repose sur un paradoxe qui veut nous forcer à croire que l'intérêt particulier, égoïste, limité dans le temps et l'espace rencontrerait l'idéal collectif et social qui cherche à réaliser le bien commun dans la durée, pour toute l'humanité.

   Les idéologues de la pensée démocratique se réfèrent à la démocratie athénienne mais ce symbole a démontré sa caducité très rapidement dans l'histoire. C'est devenu presqu'une évidence pour la quasi totalité des contemporains que les démocrates athéniens excluaient la grande majorité de la population: femmes, esclaves, métèques...En outre, Athènes était impérialiste et dominatrice et la démocratie avant tout guerrière était composée de citoyens contraints qui devaient se résoudre à défendre l'intérêt collectif de la cité aux dépens de leur individualité, sous peine de bannissement, de sanctions ou de morts. Les lois allaient dans ce sens. D'ailleurs, les révolutionnaires, à la chute de la royauté, ne sachant pas comment ils fallaient gouverner une république, s'inspirèrent des démocraties antiques, non pas pour le bonheur individuel mais pour la vertu collective. Sur la question de l'éducation, Saint Just envisageait de confier l'éducation des enfants à la patrie, éloignés de leurs familles, dans des sortes de gymnases. Un des buts pour les plus déterminés étaient de promouvoir une religion républicaine, pas seulement Robespierre avec son intention de créer une fête de l'Etre Suprême, mais plus tard également, durant le Directoire avec la théophilanthropie comme religion officielle entre 1797 et 1800. Comme Robespierre, les hommes de la révolution pensaient: "Que sont de bonnes lois sans volonté ni vertu?" Pour les hommes de 93, l'amour de la patrie et de la république ne pouvait exister sans la prise en compte prioritaire de l'intérêt de la communauté nationale aux dépens de l'intérêt personnel égoïste. 

   Nous vivons aujourd'hui dans ce mythe qui consiste à croire que même si l'intérêt individuel m'incite à voter contre le système, je dois raisonner le jour des élections en ayant en vue l'intérêt collectif. Ridicule, mais c'est le rêve des intellectuels dirigeants d'imaginer une telle abstraction d'un peuple logique dirigé par des élites éclairés. C'est l'illusion que transmet cette fraction de la caste intellectuelle associé aux dirigeants politiques libéraux qui gouvernent. Les plus lucides savent, par contre, que le pouvoir est basé sur le discours apparemment rationnel et accessoirement de nos jours sur l'écrit. Le développement des techniques d'information, de communication audiovisuelles accroissent l' influence de la caste intellectuelle médiatique  Associé aux recherches des neurosciences, le discours moralisateur (la moraline de Nietzsche) s'adresse à la grande masse de la population qui est presque totalement soumise à l'idéologie de la consommation qui, mieux que la propagande totalitaire nous a transformé en moutons de Panurge (je suis moi aussi un de ces zombies inféodés aux "droits à consommer"). La médiocratie idéologique sait que nous ne nous révolterons plus du moins dans nos pays dits développés. Nous sommes nourris  au PIB et pensons marchandises même s'il n'y a aucune  corrélation entre progrès de consommation et civilisation. 

   Plus généralement, comme le pensait le premier philosophe de l'économie Adam Smith: le libéralisme est la cause et la conséquence de la démocratie. Il expliquait que c'est parce que l'intérêt individuel m'incite à m'enrichir que je satisfais les besoins sociaux et fais progresser la démocratie qui est le système politique de la liberté pensée comme la base du progrès humain. Marx pensait aussi que le capitalisme était le système révolutionnaire par excellence car son développement remet toujours en cause l'équilibre économique d'où sa tendance à toujours remettre en question les équilibres traditionnels. Certains, partant de ces analyses, conçoivent donc le système démocratique comme fondamental car le seul capable de permettre les évolutions sociétales et le bien-être matériel en offrant au peuple le choix  entre la tradition qui conserve et le changement qui permet le progrès Mais attention Marx, lui, s'il adhérait au progrès pensait que le système capitaliste libéral avec ces crises cycliques détruit continuellement du capital humain et que aucun de ceux qui se croient à l'abri n'est à la merci de la paupérisation. Ces débats sont toujours d'actualité et le progrès technique qui a pu apporter un réel bien-être est toujours suspecté de donner naissance à un nouvel esclavage et de détruire la civilisation humaine et la démocratie par cette course au profit et à la destruction des ressources naturelles.

N'est-on pas allé trop loin dans le domaine technique jusqu'à l'idée transhumaniste. Je me rappelle cette phrase de Michelet qui fait dire à Robespierre alors qu'il peut s'emparer du pouvoir dictatorial: "A quoi bon? a quoi ça servirait?" L'homme  ne rêve pas que de liberté et de consommation. Il veut auussi la justice, l'équité et l'égalité. Cela impliquait pour les Jacobins une société de petits producteurs aux besoins raisonnables et aux désirs limités. Cela n'a jamais existé mais l'être humain peut-il continuer dans la voie d'un capitalisme productif sans mettre en péril son existence et la planète?

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