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laviemédiocre
21 janvier 2024

la décadence de l'intellectuel de gauche

"la décadence de l'intellectuel de gauche"

Nous changeons de paradigme et vivons une période qui bouleverse toutes les normes intellectuelles et psychologiques; le lettré, celui que le peuple percevait jusqu'alors comme l'homme cultivé, était une sorte de référence. Les paroles et les écrits de certains philosophes ou écrivains étaient considérés par certaines catégories qui se pensaient "éclairées" comme l'expression des voix et des "combats" qui conduiraient vers une société plus juste. La plupart des membres de cette caste de "lettrés" se considéraient comme plus informés, éduqués que la grande masse de la population qu'ils méprisaient intérieurement. En réalité, leur critique morale des injustices était plus une position éthique qu'une réelle remise en cause des rapports sociaux où une classe ou plutôt une oligarchie exerce le pouvoir culturel, politique et économique. Les intellectuels n'acceptent les classes populaires que comme spectatrices et admiratrices de leur image. Au fond d'eux-mêmes, ils désirent diriger les foules qu'ils ridiculisent, caricaturent et méprisent. Le vieux "florentin" vicieux Mitterrand comprit ce désir de reconnaissance et de toute puissance des intellectuels en se proclamant comme l'un des leurs et en s'entourant de courtisans écrivains ou penseurs. Encore aujourd'hui, de petits intellectuels placés au sein des media d'information continuent d'être les thuriféraires du vieux "monarque" qui se pensait destiné à diriger les masses car il se croyait porteur "des forces de l'esprit". Malheureusement pour elle , l'intelligentsia oligarchique qui a le pouvoir de la parole dans les medias est de moins entendue. Le peuple a enfin réalisé que cette caste de "lettrés" imbus de leurs propres personnages n'ont finalement rien à proposer pour améliorer les relations sociales et individuelles. Les prétendus philosophes, les "chouchous" des débats et les journalistes ne font qu'exprimer une opinion parmi d'autres souvent teintée de "moraline" ni plus ni moins inéressante que celle d'un expert ou même d'un citoyen informé. Je pense que, depuis la fin des annnées 1990, le peuple réel méprise ces intellectuels dits  engagés. C'est une évolution qu'il faut comprendre et accepter car elle est logique et juste. 

Depuis au moins Platon, les philosophes et intellectuels méprisent le peuple et les travailleurs manuels. Le sage platonicien serait celui qui serait sorti de la pénombre de la Caverne pour accéder au "royaume ensoleillé" de la Connaissance par un travail rationnel. Aristote justifie l'esclavage. Les travailleurs ne seraient que des sous-hommes attachés aux biens matériels et soumis aux passions "bestiales". L' accomplissement vertueux de l'homme ne semble accesssible qu'à ceux qui ont accès au savoir en conscience. A quelques rares exceptions, cette idée platonicienne de supériorité des intellectuels sur les autres êtres humains sera toujours reconnue comme évidente par les philosophes jusqu'à aujourd'hui. Certains philosophes ont même voulu devenir les idéologues, conseillers des dirigeants politiques. Ces tentatives d'adapter la théorie à la pratique sociale se sont d'ailleurs terminés souvent par des échecs lamentables. Nous avons surtout connu, en ce qui nous concerne, médiocres gens de la deuxième moitié du 20° siècle, "l'intellectuel dit engagé". Après l'affaire Dreyfus puis après la Libération de 1945, un certain nombre d'intellectuels littéraires se sont dits engagés, au côté du peuple. En réalité leur engagement était surtout auprès des partis politiques: le Parti communiste d'abord (Picasso, Aragon, Eluard, Althusser...) puis dans les années 70 le Parti Socialiste (Régis Debray, Edgar Morin, Bernard Henry Lévy, Julliard...). Ce mythe de l'intellectuel engagé qui porterait la parole et l'espoir des exclus, des exploités et des victimes du capitalisme fut particulièrement évidente dans l'après Mai 68. Une partie de la jeunesse et plus généralement des "petits bourgeois" dont je fais partie (étudiants, enseignants, petits bureaucrates du monde du spectacle ou de la communicationetc.) s'engagèrent dans des organisations ayant une "teinture" marxiste léniniste, trotskyste ou maoïste..De futurs intellectuels, quelquefois issus de grandes écoles comme l'Ecole Normale Supérieure, en assuraient la direction qui se disait "prolétarienne". Des intellectuels reconnus comme Sartre, De Beauvoir, Deleuze, Foucauld soutenaient ce délire, démontrant, s'il le fallait, l'inanité concrète de leurs pensées politiques, économiques et sociales. La plupart de ces "grands penseurs" finiront au Parti Socialiste puis pour ceux qui ont survécu chez les Macronistes, le degré zéro de l'idéalisme. Ce ralliement de la majorité des intellectuels dits engagés envers les "Maîtres" qui détiennent la puissance économique et le capital est une des causes de la désaffection au double sens du terme (fin d'affection) de pas mal de citoyens engagés puis écoeurés. Une des conséquences les plus remarquables de cette désaffection est la montée de l'abstention à chaque élection. Le désintérêt pour les  débats entre technocrates de gauche ou de droite qui dirigent alternativement le pays tout en respectant les grandes lois financières du système capitaliste et les grands équilibres internationaux ne cesse de croître. Le citoyen moyen devenu individualiste préfère consommer des plaisirs et des loisirs au sein d'un cercle d'amis et de parents. Il n'attend des politiques, quels qu'ils soient, que des résultats concrets pour son bien-être et il a bien raison car il a compris que les dirigeants n'ont eux aussi en vue que leur intérêt. Les oligarques qui nous gouvernent actuellement ont compris le danger de cette désaffection populaire en multipliant les cérémonies symboliques commémoratives mais ils sont tellement dévalorisés que leurs "pitreries" patriotiques ne trompent presque plus personne. le discours moral citoyen n'est plus un leurre. De plus en plus de citoyens comprennent que les puissants n'ont en vue que le maintien de leurs intérêts matériels et hédonistes.

Au moins trois  raisons me paraissent expliquer la désaffection populaire vis à vis des intellectuels:

1- La fin de la croyance aux discours mythiques. Les idées ne changent pas le monde et les discours des philosophes actuels ne se distinguent pas de ceux d'un citoyen informé car ils n'ont aucune vision de l'avenir. Luc Ferry à droite, Comte-Sponville ou même Michel Onfray ne parlent que de l'actualité sous un jour moraliste. C'est le discours d'une éthique convenue et ceci est valable pour tous ces penseurs qui "envahissent" les plateaux de télévision. Comment voulez-vous vous passionner pour des pensées évidentes si ce n'est médiocre? Le peuple a pris conscience de l'indigence de la pensée intellectuelle politique contemporaine. Ce désintérêt est également une des conséquences de l'écroulement des régimes prétendument socialistes de l'est de l'Europe et l''échec d'une troisième voie (social-démocrate) entre socialisme et libéralisme. La grande majorité de ceux qui croyaient lutter pour le progrès social et humain a compris que tous les dirigeants étaient hypocrites et même menteurs. Et comme le système est assez puissant pour ne plus être remis en cause, on abandonne la réflexion citoyenne collective pour se replier vers les plaisirs individuels et communautaires.

2- Les intellectuels qui se prétendent engagés sont de moins en moins considérés. Après l'affaire Dreyfus et jusqu'au milieu des années 1970, ils disaient lutter pour le peuple et plus particulièrement pour le prolétariat. La lutte concernait la justice sociale, l'égalité et la dignité pour tous. Peu à peu ces revendications sont passées au second plan; d'autres thématiques se sont associées aux premières revendications. La lutte antirasciste, le féminisme et enfin les demandes d'égalité des droits pour les homosexuels ont cohabité avec le marxisme et sa théorie du matérialisme historique ("toute l'histoire de l'humanité est l'histoire de la lutte des prolétaires"). Mais l'évolution économique de nos pays occidentaux a fait que la partie ouvrière de la société est devenue minoritaire et qu'il y a eu durant les trente "glorieuses" (1950 à 1980) un certain embourgeoisement social avec l'accès de plus en plus de gens à la société de consommation. Nos intellectuels engagés sont devenus les porte-paroles des minorités ce qui est a priori fort louable si ce n'est qu'après avoir obtenu les droits essentiels (droit à l'avortement et à la contraception, mariage homosexuel etc. ), la partie revendicative est devenue l'idéologie dite "woke". Cette idéologie qui rassemble des groupes sociaux et des volontés disparates et parfois contradictoires (la lutte antiraciste, par exemple, est bien plus urgente et sensible  que celle des femmes réclamant des postes de dirigeantes économiques et politiques, à mon avis). L'idéologie woke est mal perçue et plus souvent ignorée par le peuple. Les revendications s'appuient souvent sur des faits divers ou des propositions délirantes. Ce sont parfois des "fantasmes" de la vie privée qui déconsidérent ceux qui les proposent. Les intellectuels engagés, porteurs de ces "fantasmes", en dehors du moindre bon sens sont totalement déconsidérés; Pour de plus en plus de gens, ils apparaissent comme une minorité bruyante et une caste inutile vivant au crochet de la société.

3- Enfin il faut affirmer que c'est le crépuscule de l'exception culturelle française dans le monde. De moins en moins de gens parlent français et notre grande littérature est un souvenir du passé. Notre pays décline tant politiquement qu'économiquement peu à peu. C'est difficile à accepter pour les orgueilleux Français mais c'est la réalité. Les collégiens et lycéens de notre pays donnent d'ailleurs la priorité aux enseignements scientifiques et technologiques. L'enseignement littéraire devient un moyen, une méthode de conviction ayant pour but l'utilité sociale. Aux textes de nos grands écrivains se substituent les discours moralistes, informatifs ou publicitaires. Le pragmatisme de nos enfants l'emportent sur les idéaux; L'engagement militant de nombreux jeunes pour l'écologie me semble bien être une preuve de ce pragmatisme: il traduit une préférence pour les luttes concrètes et pratiques et un rejet des idéologies politiciennes. L'enseignement de l'esprit critique qui était la base des études passées dites des "humanités" tend à devenir un souvenir même si les textes officiels affirment le contraire. 

La philosophie pragmatique anglo-saxonne s'est imposée; l'utilitarisme devient la norme d'une société où "il faut désirer ce que les autres désirent" (Jean claude Michéa). Les algorithmes de l'intelligence artificielle connaissent les désirs et manipulent les âmes de plus en plus de gens. Les intellectuels croient encore à leur pouvoir mais une vedette de cinéma, un chanteur et même un adolescent influenceur a plus de pouvoir qu'un professeur. On peut s'en désoler mais c'est notre monde. Il faut le savoir même si on ne l'accepte pas.  

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